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Les 3 chantiers de Bruno Manzone, nouveau président des Costières de Nîmes

Elu pour trois ans à la tête du syndicat, il a repris les dossiers de son prédécesseur, Bernard Angelras, avec toujours la même priorité : le repositionnement vers le haut de l’appellation qui passe par la mise en place d’une nouvelle forme de hiérarchisation

La passation de pouvoir s’est effectuée sans heurt : le 14 mars dernier, Bernard Angelras, à la tête du syndicat des Costières de Nîmes depuis 15 ans, annonçait qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat (il est depuis le début de l’année à la tête de l’Institut français de la vigne et du vin). Quelques jours plus tard, son dauphin désigné, Bruno Manzone, jusque-là vice-président, était élu sans problème. Il faut dire que ce vigneron de 46 ans, originaire de Marseille et diplômé Sup Agro à Montpellier, a un profil particulier propre à séduire l’ensemble de la profession : il est à la fois vigneron coopérateur et vigneron indépendant.

Président presque sans interruption de la cave de Bellegarde depuis 2002 où il avait succédé à son père, il a toujours été très investi dans le monde de la coopération, participant très activement à la fusion des caves de Bellegarde, Manduel, Jonquières-Saint-Vincent et Saint-Gilles en 2005 (plus Bouillargues en 2017), donnant ainsi naissance à une des plus grosses caves en Costières, celle des Vignerons Créateurs. Ce qui ne l’a pas empêché de créer depuis sa propre exploitation, le domaine Manzone.

1) Le défi : la hiérarchisation de l’appellation

Lancé il y a plus de 5 ans maintenant, ce chantier d’envergure, étalé dans le temps, entre dans sa phase finale. Une commission d’enquête a été nommée par l’INAO, qui devrait bientôt procéder à la toujours délicate phase de délimitation, l’idée étant de créer des « locomotives qualitatives » pour que l’ensemble de l’appellation avance. « Le but du jeu, précise Bruno Manzone, c’est d’avoir une appellation Costières de Nîmes premium, le gros de la production (150 000 hl environ) ; et des appellations ultra premium, avec des prix revalorisés… même si le prix n’est pas forcément un critère de qualité ». Deux zones ont été identifiées :

Au nord de l’appellation, Saint-Roman, en référence à l’abbaye troglodyte du même nom. C’est le phare nord des Costières, avec le Rhône à ses pieds. Cette zone concerne essentiellement les communes de Beaucaire, Bellegarde, Jonquières, Manduel, Sernac, Meynes… avec deux caves coop engagées dans le processus plus quelques caves particulières. Au sud, Franquevaux, du nom d’un petit hameau situé sur la commune de Beauvoisin.

Deux types de terroir proches et différents à la fois : un plateau à 60 mètres avec une petite dépression du côté de Saint-Roman ; une épine dorsale avec les plus hautes collines des Costières qui culminent à 150 mètres vers Franquevaux, avec une face nord tournée vers Nîmes et une face sud qui regarde vers les étangs de la petite Camargue.

« Il y a aussi un aspect climatique important : au nord, nous sommes beaucoup plus rhodaniens dans le sens où le mistral va rafraichir en permanence ; au sud, nous avons une masse d’eau impressionnante qui produit un effet « brise thermique » sur les vignes. C’est sur cette base-là que nous sommes arrivés à créer deux terroirs totalement distincts, avec des conditions de production- en rouge et en blanc uniquement - qui seront donc plus exigeantes que pour l’appellation socle. »

2) L’ambition : gagner en notoriété

Coincée entre les côtes-du-rhône, deuxième vignoble en France, devenu une véritable référence, et les pic-saint-loup qui ont explosé ces dernières années, l’appellation Costières de Nîmes souffre d’un certain manque de notoriété. « Mais nous sommes en train de combler ce retard grâce à de belles opérations de communication lancées par Bernard Angelras et le directeur du syndicat, Nicolas Ponzo (qui a annoncé son départ lui aussi) auxquelles nous avons su donner une résonnance nationale. »

On peut citer « Vignes Toquées » au mois de juin, une balade vigneronne sur le modèle classique avec des vignerons et des chefs cuisiniers, pour laquelle les 3000 places sont vendues rapidement ; « Nîmes Toquée » en novembre sur le même modèle. La bodega des Costières pendant la Feria, une véritable institution nîmoise. Et au cours des mois de juillet et août, dans le cadre des jeudis de Nîmes, les « JeuDiVin » qui, depuis 2011, permettent de découvrir chaque semaine les productions d’une quinzaine de vignerons de l’appellation ; des rendez-vous qui rencontrent un très gros succès avec près de 3000 verres de dégustation vendus dans la soirée !

3) Le pari : la protection de l’environnement

Produire plus propre et le faire savoir : c’est aussi l’un des paris de Bruno Manzone qui, avec son équipe, s’est fixé cette autre priorité en partant d’un constat simple : aujourd’hui, tous les gens s’engagent sur une forme de respect de l’environnement. « Moi, je fais du bio depuis longtemps et je pense que sur l’ensemble de l’appellation des costières, nous sommes les plus bio du Languedoc-Roussillon. Tous les leaders des costières réputés qualitatifs - qui sont très en pointe au niveau commercial et qui sont au contact du marché - sont passés bio dans les 5 dernières années. Ces gens-là ne se trompent pas. »

Mais il y a aussi des vignerons qui sont partis sur une voie médiane, celle du développement durable. « Un bon format pour les caves coopératives qui permet de faire progresser tout le monde chacun à son rythme. » Comme à la cave de Bellegarde que Bruno Manzone préside et où les coopérateurs sont engagés dans ce processus. Et il y a enfin la HVE (haute qualité environnementale) qui peut convenir aux petites caves particulières. « Aujourd’hui, tout le monde est engagé dans une de ces démarches ; c’est important pour l’appellation et il faut le faire savoir et bien expliquer le phénomène qui sera incontournable dans les prochaines années, en particulier à l’étranger où nous vendons déjà 40% de nos vins. »

De tous ces chantiers (en particulier celui de la hiérarchisation), Bruno Manzone veut retenir une leçon : « Même si la finalité, c’est de pouvoir un jour marquer sur la bouteille Saint-Roman ou Franquevaux, le plus intéressant je pense, c’est le chemin que nous empruntons tous ensemble actuellement. Les vignerons se rencontrent, ils créent du contact, ils échangent leurs expériences et apprennent collectivement des choses sur le terroir, la manière de travailler… et c’est déjà formidable. Le jour où nous aurons la DGC, ce sera la cerise sur le gâteau. » Prévue pour la récolte 2020.

REPERES

30 : en millions, le nombre de bouteilles vendues chaque année sous l’appellation Costières de Nîmes dont la production annuelle moyenne tourne autour des 200 000 hl.

4181 : la superficie (exploitée) en ha du vignoble des Costières. On y produit majoritairement des vins rouges (62% l’an dernier) mais les rosés progressent (33%) alors que les blancs restent stables (5%).

400 : le nombre de vignerons de l’appellation Costières de Nîmes et de la Clairette de Bellegarde répartis en 69 caves particulières et 11 caves coopératives auxquelles il convient d’ajouter 3 maisons de négoce.

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