Après avoir joué un rôle moteur et majeur dans la rénovation du vignoble dans les années 1980-1990, l’UVICA, qui commercialise aujourd’hui 85 % des vins ardéchois, joue la carte de la biodiversité. Elle se met ainsi au diapason d’un département plébiscité par les touristes français et étrangers pour son côté nature.
En Ardèche, il y a les fameuses gorges, ce canyon de 22 km au départ de Vallon Pont d’Arc, les nombreux sites troglodytes tels que la Grotte Chauvet 2 et l'Aven d'Orgnac, les villages cévenols et le Mont Gerbier de Jonc, source de la Loire. Et il y a l’UVICA (Union des vignerons des Coteaux de l’Ardèche), un regroupement de 14 coopératives adhérentes régi par un principe simple : la vinification est élaborée par les caves selon les spécificités de chacune en matière d'encépagement et de terroir. Le service œnologie de l'Union conduit le processus de vinification, décide des affectations de chaque cuvée, procède à l’embouteillage et la commercialisation. L’Union joue donc le rôle d’une maison de négoce tout en gardant l’esprit coopératif.
Philippe Dry en est le directeur général depuis juillet 2015 au côté du président ???. Il a succédé à Denis Roume qui a fait quasiment 30 ans à ce poste. « Les Vignerons Ardéchois, c’est une structure assez pérenne, souligne-t-il, qui travaille dans la continuité. Je ne suis en fait que le 3ème directeur, Guy Boyer ayant été le premier ». Ce Bourguignon d’origine, qui a bossé dans le marketing de l’agro alimentaire jusqu’en 1992, est ensuite entré dans le monde du vin. D’abord dans une maison du Beaujolais appartenant au groupe Boisset, puis à Chablis avant de diriger la célèbre cave de Ribeauvillé en Alsace. Et enfin l’Ardèche qu’il connaissait et appréciait en tant que touriste.
Une mosaïque de cépages et de terroirs
D’Aubenas jusqu’au Gard et de la vallée du Rhône jusqu’aux Cévennes, voilà un territoire viticole de plus de 6 000 ha qui se distingue par une grande diversité de terroirs et de cépages. « Il y a un potentiel énorme dans ce sud Ardèche où l’on retrouve presque la carte de France des grands vignobles » s’enthousiasme Philippe Dry. L’Ardèche, en effet, a depuis 50 ans quasiment replanté tous les grands cépages français. On y retrouve bien évidemment les cépages rhodaniens (viognier, syrah, grenache notamment) qui représentent le cœur de l’activité de l’UVICA et sur lesquels on découvre des expressions du terroir intéressantes. Mais aussi des cépages bordelais (cabernet, merlot voire sauvignon) et des cépages bourguignons (chardonnay et pinot noir sur quelque 50 ha).
Pour expliquer cette myriade de cépages (plus d’une vingtaine), il faut remonter au premier partenariat signé en 1979 avec la Maison Latour en quête alors de sources d’approvisionnement pour ses vins blancs. Ce fut pour les vignerons une véritable prise de conscience de la qualité de leurs terroirs. Depuis, ce travail de fond en partenariat avec des maisons extérieures à la région s’est poursuivi avec entre autres Georges Dubœuf (Beaujolais) sur des gamays et Michel Laroche (Chablis) sur des pinots noirs.
« Ces partenariats ont renforcé notre volonté de replanter des cépages nobles en adéquation avec nos terroirs. Puis, dans une recherche purement qualitative, nous sommes allés plus loin avec des clones peu productifs adaptés aux terres pauvres de nos coteaux. Toujours en misant sur le qualitatif plutôt que les rendements ». Qui ne dépassent que très rarement les 50 hl / ha alors même que le territoire ardéchois est à 90 % une région d’IGP. « Mais nous travaillons vraiment l’Ardèche comme une appellation propice à des vins de qualité ».
Parmi lesquels on peut citer le Chatus Monnaie d’or, du nom d’un cépage autochtone déjà mentionné par Olivier de Serres dans ses écrits au XVème siècle, qui a survécu au phylloxera et que l’on croyait disparu à jamais. Il est productif, coloré, très résistant et tardif, avec aussi pas mal d’acidité. Retrouvé un peu par hasard sur des terrasses de grès dans les Cévennes (il y a même sur le village de Vermont une vigne qui date de 1890), les vignerons l’ont bichonné et en ont replanté une cinquantaine d’ha. « C’est un cépage qui devient de plus en plus intéressant par rapport au réchauffement climatique, rajoute le directeur de l’UVICA, et nous allons en replanter ».
Ardèche par nature : la biodiversité, une priorité
Lancée en 2016, la marque « Ardèche par nature » officialise le processus d’une démarche environnementale initiée par quelques vignerons à une époque où le bio était balbutiant et la norme HVE inexistante. Ce qui s’explique facilement selon Philippe Dry : « Nous avons toujours été sur un territoire et un environnement naturellement préservés avec une biodiversité extraordinaire. Et nous sommes attendus pour ça par nos clients ».
Progressivement, les vignerons et les caves sont donc entrés dans la démarche et l’UVICA s’est associée à divers organismes engagés dans la protection de la nature : installation de ruches, de nichoirs, création de haies… tout est bon pour maintenir la biodiversité ! Aujourd’hui, les deux tiers du vignoble sont labellisés HVE (soit plus de 4 000 ha). L’année prochaine, à quelques parcelles près, ce sera la totalité en incluant les quelque 500 ha déjà reconvertis en bio.
C’est dans cette philosophie que s’inscrit « Ardèche par nature », une marque déposée avec un cahier des charges spécifique qui, au-delà de la réduction des intrants et des traitements, inclue des éléments sur la gestion de la biodiversité. Une charte motivante pour les vignerons qui, avec l’UVICA, ont un filet de sécurité. Car ce genre de pratiques entraine des baisses de rendement et des risques plus importants et c’est la structure-mère qui les prend en charge. Ardèche par nature, totalement bio à partir du millésime 2022, est réservée aux circuits traditionnels. Une 2e marque, Ardèche pas passion, issue des mêmes terroirs, est destinée à la Grande distribution.
REPERES
14 : le nombre de coopératives adhérentes à l’UVICA (ce qui représente environ un millier d’exploitations) ; ces unités de production gèrent leur vignoble, leurs vignerons et font leurs vins.
6 000 : la surface du vignoble en ha, dispersé en une multitude de parcelles.
300 000 : la production moyenne annuelle en hl (40 % rosé, 40 % rouge, 20 % blanc) dont près de 85 % en IGP, le reste se répartissant en Côtes du Rhône et Côtes du Rhône villages sur la cave de Bourg-Saint-Andéol (pour 15 000 hl environ 100 % bio) et en Coteaux du Vivarais pour 6 à 7 000 hl, là-aussi en reconversion bio.
40 : l’équivalent en millions de bouteilles de la production commercialisée. En grande distribution et chez plus de 2 000 cavistes pour ce qui concerne la France. Et dans 40 pays à l’export (10 % de l’activité de l’UVICA).
52 : le chiffre d’affaires de l’UVICA en M €. Pour une production de 10 millions de cols et de 3,5 millions de Bag-in-Box® qui représentent les 2/3 du volume et 50 % de la valeur.
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